Dette du test : comprendre, anticiper et maîtriser cet enjeu clé

Introduction

Si tu travailles en développement agile, tu l’as sûrement déjà vécu : le test est souvent la première chose que l’on coupe quand les délais se resserrent. On commence avec une belle intention – écrire des tests solides, automatiser ce qu’il faut, avoir une couverture fiable – puis la pression monte. Il faut livrer vite, et le premier réflexe, c’est souvent de rogner sur les tests.

Le problème ? Ce temps qu’on “gagne” en testant moins, on le perdra tôt ou tard… avec intérêts. Bugs en production, corrections urgentes, régressions imprévues, équipe qui passe son temps à éteindre des incendies… Voilà la dette du test en action.

Dans cet article, je vais te parler de ce qui cause cette dette, comment elle impacte nos projets, et pourquoi il est essentiel de la limiter avant qu’elle ne devienne un véritable gouffre.

1. Pourquoi la dette du test s’accumule-t-elle ?

La dette du test ne vient pas de nulle part. Elle est souvent la conséquence d’un arbitrage naturel dans les projets : quand il faut faire des choix, le test est rarement priorisé.

1.1. La pression des délais : le test est toujours sacrifié en premier

En agile, chaque sprint est une course contre la montre. Et soyons honnêtes, personne ne veut livrer une feature à moitié faite.Alors quand il faut arbitrer, la priorité est souvent mise sur le développement fonctionnel.

Le problème, c’est que ce "on fera les tests plu stard" revient à repousser un problème qui ne fera que grossir. Une fois la feature en prod, d'autres priorités prennent le dessus, et la dette du test s’installe presque naturellement.

1.2. Manque de stratégie claire autour des tests

Dans pas mal d’équipes, on automatise un peu tout et n’importe quoi, ou alors pas assez. On commence sans véritable stratégie :

  • Trop des tests inutiles : des scénarios qui ne couvrent rien d'important mais prennent un temps fou à exécuter.
  • Pas assez de tests critiques : la partie vraiment sensible du projet est sous testée.

Sans une vision long terme sur ce qu’on veut couvrir, l’automatisation devient soit une usine à gaz, soit un outil sous-exploité.

1.3. Évolution rapide du projet : les tests ne suivent pas

Le projet avance vite, les specs changent, le code évolue…mais les tests ?

  • Les test automatisés cassent après chaque refacto.
  • Les tests manuels deviennent obsolètes car les scénarios métier changent.
  • Personne n'a le temps de les mettre à jour, donc on les désactive ou on les ignore.

C’est comme ça qu’on se retrouve avec une suite de testsqui ne sert plus à rien… et une dette qui explose.

1.4. L’environnement de test : un frein souvent sous-estimé

Les environnements de test mal gérés, c’est l’un des plusgros pièges. Quand tu passes plus de temps à débugger ton environnement qu’à exécuter des tests, c’est qu’il y a un problème.

Entre les données instables, les mocks mal configurés et les dépendances externes qui changent sans prévenir, les tests deviennent imprévisibles. Et quand un test est flaky ou trop difficile à maintenir, la tentation est grande de… le désactiver et l’oublier. Encore un ticket pour la dette.

2. L’impact réel de la dette du test sur les projets

Si on laisse la dette du test s’accumuler, le retour de bâton est brutal.

2.1. Un coût de correction qui explose

C’est un fait bien connu : plus on détecte un bug tard, plus il coûte cher à corriger.

  • Un bug attrapé en dev = 10 minutes de correction.
  • Un bug découvert en QA = 1 à 2 heures (analyse, correction, retest)
  • Un bug en prod = un jour, 1 semaine... ou une crise client.

Quand on coupe sur les tests, on reporte le problème plustard, mais avec intérêts.

2.2. Un produit moins fiable et une expérience utilisateur dégradée

Moins de tests = plus de régressions en production.
Plus de régressions = moins de confiance des utilisateurs.

La dette du test se paie en image de marque et en perte de crédibilité. Qui voudrait utiliser un produit qui casse après chaque mise à jour ?

2.3. Une vélocité qui diminue au lieu d’augmenter

Paradoxalement, ce qu’on pense être un gain de temps nous ralentit à long terme.

  • Plus de bugs = plus de temps perdu à corriger.
  • Moins de tests = plus de régressions imprévisibles.
  • Code fragile = développeurs qui hésitent à refacto par peur de tout casser.

Au final, l’équipe avance de plus en plus lentement, et tout le monde y perd.

2.4. Un manque de visibilité pour l’équipe et le management

Dans un projet agile, tout est question d’équilibre entre vélocité, qualité et livrables. Et, bien souvent, le poids de la dette du test n’apparaît pas immédiatement dans les indicateurs suivis par les PO et PM.

Résultat : quand les sprints commencent à ralentir à cause des régressions et des corrections répétées, on a du mal à en identifier la cause réelle. Ce n’est pas un problème de gestion, mais plutôt un symptôme d’un déséquilibre entre développement et qualité.

D’où l’importance de rendre visible la dette du test et ses impacts, pour que tout le monde – testeurs, devs, PO, PM – puisse ajuster la stratégie en connaissance de cause.

3. Pourquoi il faut agir maintenant

Si la dette du test continue de grandir, la situation devient ingérable. À un moment, le projet devient trop instable, et il faut alors :
Arrêter de livrer pour tout revoir (coût énorme).
Accepter une dégradation continue de la qualité (perte de confiance).
Subir une maintenance infernale (fatigue et départs dans l’équipe).

💡 La seule solution, c’est d’anticiper et de garder cette dette sous contrôle.

Dans le prochain article, on verra comment éviter cette dette et quelles pratiques permettent de la limiter efficacement.

Conclusion

La dette du test est un problème réel qui touche toutes les équipes de développement. Plus on l’ignore, plus elle nous rattrape. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des solutions pour la limiter et éviter qu’elle ne devienne un frein au projet.

On en parle dans le prochain article. Reste connecté !

Jessy Loppy - QA automaticien confirmé